Marc Ollivier
Faut-il fermer le petit aérodrome enclavé dans une zone touristique très urbanisée ? Le drame qui a endeuillé, jeudi, l'aéro-club relance le débat entre sécurité et enjeux touristiques.
Le jardinet dans lequel s'est écrasé, jeudi, le petit avion de tourisme de l'aéro-club de Quiberon (Morbihan) est resté bouclé toute la journée hier. Les enquêteurs spécialisés de la gendarmerie du transport aérien, rejoints par leurs collègues du bureau enquête-accident de l'Aviation civile poursuivent leurs minutieuses investigations de l'épave disloquée afin d'y chercher une explication technique au crash qui a coûté la vie aux trois occupants de l'appareil : panne moteur ou défaillance des commandes.
Une autopsie du corps du pilote, Jean-Philippe Champagne, 59 ans, domicilié dans le Val-de-Marne, sera pratiquée, ce samedi, au centre hospitalier de Lorient pour lever l'hypothèse d'un malaise. Pilote chevronné, M. Champagne avait pris à son bord Roger Filet, 63 ans, et Michel Martin, 61 ans, tous deux également domiciliés en Ile-de-France. Membres d'une formation musicale parisienne, ils étaient en stage d'une semaine sur l'île d'Arz. L'un d'eux était le père d'une musicienne, l'autre le chauffeur du groupe. Malgré les circonstances, en hommage aux trois victimes, les musiciens d'« Opus 15 » ont décidé de maintenir leur concert prévu ce samedi, à 15 h, en l'église d'Arz.
« Un vrai danger »
Dès jeudi, dans le quartier quiberonnais de Port-Haliguen, la stupeur provoquée par cet accident et la mort de trois personnes, s'est doublée d'une peur rétrospective... L'avion est tombé à quelques dizaines de mètres de l'aérodrome sur une zone résidentielle touristique peu occupée en cette fin avril. Personne ne veut imaginer semblable accident au plus fort de la saison estivale. Lorsque chaque mètre carré de terrain est pris par des campeurs, caravaniers ou locataires de mobile homes et que les plages en bout de piste sont noires de monde. En 2005 déjà, un monomoteur de l'aéro-club s'était abîmé sur la plage du Conguel sans faire de victime. Mais c'était aussi en avril.
« En été, le crash d'un avion sur le camping tout proche bondé de touristes provoquerait un véritable carnage », s'inquiète Jean-Claude Firmin, vice-président de « Quiberon-calme et sécurité ». L'association, qui revendique une soixantaine de membres, dénonce, depuis cinq ans, « l'immobilisme des pouvoirs publics assurant que tout va bien ! ». Les opposants à l'aérodrome rappellent qu'en phase de décollage, « les avions survolent à basse altitude les supermarchés, la gare, le stade, les campings et habitations, un vrai danger pour les populations ».
La configuration de cet aérodrome côtier serait unique en France. Dans aucune autre ville ou village, la piste ne pénètre aussi profondément au coeur de la ville affirment « Quiberon-calme et sécurité ».
Un élément du standing
L'urbanisation du littoral a effectivement « mangé » au fil des décennies les espaces bordant la piste, à l'origine engazonnée, ouverte en 1954. Lionel, propriétaire d'une résidence secondaire, à Port-Haliguen, se souvient de son arrivée ici au début des années 1960. « Il n'y avait rien ou presque. Tout a poussé comme des champignons, mais quand les gens se sont installés, le terrain d'aviation était déjà là. Ils connaissaient donc les nuisances sonores et les risques », nuance ce sexagénaire, pas particulièrement angoissé. L'hiver il habite en région parisienne... « en bout de pistes d'Orly ».
Bien que la modeste plateforme de Quiberon ne bénéficie pas de contrôle aérien, la préfecture du Morbihan rappelle qu'en termes de sécurité, elle dispose, bien sûr, de toutes les certifications exigées par la Direction de l'Aviation civile.
Le terrible accident de jeudi ne va cependant pas manquer de relancer le débat entre les riverains qui souhaiteraient des restrictions d'utilisation de la piste, voire sa fermeture. Pour des raisons de sécurité ou... « pour valoriser leur patrimoine foncier », glisse un défenseur de l'aérodrome, convaincu que Quiberon ne peut se priver de son aérodrome, un atout précieux pour l'activité touristique et le standing de la station.
Un transfert hors de la zone agglomérée avait bien été imaginé il y a quelques années. Mais les vastes espaces libres de la presqu'île sont pour la plupart protégés par la loi littoral.
Jean-Laurent BRAS.
Source:
http://www.ouest-france.fr/region/bretagne_detail_-Apres-le-crash-Quiberon-regarde-son-aerodrome-_8619-621585_actu.Htm